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L'HYBRIDATION DU GLAÏEUL par Denis Croteau

Aussi loin que puissent remonter mes souvenirs d'enfance, le glaïeul est omniprésent. Mon grand-père paternel en cultivait des dizaines de milliers et il en vendait un peu partout, particulièrement à son commerce. Je me rappele les nombreuses soirées d'automne passées à nettoyer les bulbes qu'il avait récoltés. La plupart de ses petits enfants participaient à cette tâche sans qu'il ait besoin de le demander. Les variétés n'avaient que peu d'importance pour lui. Les nombreux cormus se retrouvaient entassés pêle-mêle, dans des dizaines de contenants sans aucune identification. Nous nous amusions alors à deviner la couleur de la fleur par la teinte du cormus que nous étions en train de récurer.

J'ai hérité de mon grand-père cet amour du glaïeul et des autres plantes. Il m'a aussi légué autre chose en plus, un je ne sais quoi qui me pousse à créer mes propres variétés. Je l'ai déjà réalisé avec les violettes africaines, les épicias et les poissons tropicaux.

L'hybridation du glaïeul est aussi un domaine passionant. J'aime partager mes connaissances et mes expériences. J'espère sincèrement que cet article saura vous donner le goût de tenter d'hybrider vos glaïeuls.

Lorsque j'ai commencé à hybrider mes glaïeuls, je le faisais selon l'inspiration du moment et toujours avec deux variétés qui fleurissaient en même temps. J'ai rapidement réalisé que cette façon de faire m'enlevait beaucoup de possibilités. Il est de loin préférable de planifier à l'avance ses croisements. L 'hiver se prête bien à cette réflexion. Cette période de l'année ou notre activité préférée est à son plus bas niveau coïncide avec l'arrivée des nouveaux catalogues. Quoi de plus fort pour nous faire rêver et croyez-moi les hybrideurs sont de grands rêveurs !

La principale difficulté rencontrée si on veut croiser une variété hâtive avec une autre tardive consiste à les faire fleurir en même temps. Il est facile de réaliser avec cet exemple les avantages d'une bonne planification. Pour résoudre ce problème, il faut planter la variété tardive plus tôt en tenant compte des délais de floraison déjà connus. Cette approche ne donne pas nécessairement l'assurance que les parents choisis fleuriront à la même période, mais planter environ 25 cormus de chacune des variétés permet de mettre plus de chances de notre coté. Si l'on veut créer des variétés d'exposition, il faut choisir des variétés possédant les qualités reconnues pour produire de bonnes tiges d'exposition. Il faut considérer la disposition des fleurons, leur nombre, le temps qu'il leur faille pour ouvrir. Il faut aussi tenir compte de la longueur de la tige. Les variétés choisies doivent aussi être exemptes de tares si on veut éviter de transmettre des problèmes de santé à leur progéniture. La couleur doit aussi être attrayante. On peut repérer les parents potentiels lors des expositions. Les superbes spécimens qui y sont présentés donnent un très bon aperçu de la qualité des variétés.

Un hybrideur sérieux doit s'assurer que les parents sont bien ceux qu'il a choisis. Par exemple dans un champ ou fleurissent des centaines de glaïeuls, il est très difficile d'empêcher la fécondation naturelle des tiges. Celle-ci peut être réaliser par les insectes, le vent, même certains oiseaux y participent. La fleur en forme de trompette du glaïeul attire les magnifiques colibris. J'ai pu observer leur manège à plusieurs reprises. Quel spectacle !

Les fleurs portent les organes de reproduction de la plante. Elles sont parées de leurs plus beaux atours pour séduire les insectes et les oiseaux. Les glaïeuls sont bisexués, c'est-à-dire, qu'ils possèdent les deux sexes sur la même fleur. La partie mâle arrive à maturité la première, peut-être pour éviter l'autofécondation. Le pistil est la partie femelle de la fleur, il consiste en une sorte de tube terminé par trois aigrettes. Elles ne seront réceptives que la deuxième ou troisième journée après l'ouverture de la fleur. Les étamines constituent la partie mâle et sont habituellement au nombre de trois. Le pollen sera prêt vers la deuxième journée après l'épanouissement du fleuron.

Les meilleurs temps pour effectuer des croisements s'échelonnent tout au long du mois d'août. D'ailleurs très peu de glaïeuls sont en fleur avant cette période. Passé le mois d'août il se pourrait que les capsules de semences n'aient pas le temps nécessaire pour mûrir suffisamment les graines avant les gelées. Je préfère effectuer mes croisements tôt le matin durant la première moitié du mois d'août. Par la suite il fait souvent trop frais le matin. Pour savoir si le temps est propice surveillez l'activité des abeilles. Si elles sont à l'oeuvre, les fleurs le seront aussi. S'il fait trop froid pour que les abeilles soient actives, les aigrettes seront probablement fermées. Une journée venteuse ne constitue pas non plus une bonne occasion.

Effectuer un croisement est très facile. Si les insectes, les oiseaux et le vent y arrivent, je ne vois pas pourquoi nous n'y parviendrions pas. Prélevez une ou plusieurs étamines ou le pollen est à point sur la fleur choisie comme parent mâle. Pour réaliser le croisement il faut simplement toucher les aigrettes du pistil avec l'étamine, le pollen y adhérera facilement, mais il devra être sec et poudreux. Certaines variétés produisent peu de pollen. Pour en extraire davantage, il faut prendre les deux extrémités de l'étamine et presser légèrement vers le centre. Cette action permet au pollen de jaillir vers l'extérieur. N'oubliez pas que plus il y aura de pollen, plus il pourra y avoir de semences. À toute fin pratique, on ne peut que féconder une ou deux fleurs par jour sur chaque tige. Les fleurons ouverts depuis plus de trois jours ne sont plus féconds alors que ceux qui commencent à ouvrir ne le sont pas encore.

Afin d'obtenir suffisamment de semences d'un croisement, il faut féconder plusieurs fleurons. Rien n'empêche de polliniser tous les fleurons d'une tige de glaïeul. Toutefois il faudra tuteurer la hampe florale avant que le vent et la pluie ne la brisent. On peut féconder les autres fleurons avec du pollen provenant d'autres variétés mais cela peut s'avérer une source d'ennuis.

Quelques techniques permettent d'éviter que les pollinisateurs naturels ne viennent mêler les cartes en fécondant des fleurons avec du pollen d'origine inconnu. Pour ma part je referme les fleurons. Pour ce faire j'utilise un bout de papier glacé coupé à l'avance et une brocheuse. Je referme simplement les fleurons avec l'aide du papier et je broche le tout. Le papier évite de déchirer la fleur. Il existe aussi d'autres façons de faire. Certains découpent les pétales du bas pour empêcher les insectes de s'y poser. D'autres épinglent le pistil sur le pétale supérieur. Les abeilles tentant toujours d'atteindre le fond du calice ne le toucheront pas au passage.

Il faut toujours garder un relevé précis de chacun des croisements en y mentionnant le nom des parents et la date du croisement. L'inscription du nom de la mère suivi de celui du père est conventionnel et s'utilise partout peu importe le genre de croisement. J'étiquette chacun de mes croisements avec un bâtonnet de plastique et un stylo à encre permanente. J'y inscris un numéro par exemple 96-1, le premier chiffre indique l'année où le croisement a été effectué, le second chiffre représente un premier croisement. Pour un deuxième croisement, j'inscris 96-2 et ainsi de suite.

Il faut une dizaine de jours pour constater si le croisement a réussi. Après que la fleur a séché, elle tombe et laisse apparaître une petite capsule verte. Elle croît rapidement pour atteindre sa pleine grosseur au bout d'environ 20 jours. Ce délai dépend de la température,la croissance étant plus rapide par temps chaud. La capsule de semences est prête a cueillir quand la membrane extérieure commence à sécher et que chacune de ses parties s'entrouvre légèrement, laissant voir les semences à l'intérieur. Les capsules sont divisées en 3 chambres contenant chacune jusqu'à 25 graines. J'ai déjà obtenu 75 semences pour une capsule bien remplie. A partir de l'ouverture des membranes extérieures les graines prendront graduellement une belle teinte dorée. Il ne faut pas trop attendre pour cueillir les capsules car le vent aura tôt fait de disperser les semences, l'aileron qui entoure chacune des semences favorise leur dispersion.

Quand une capsule est mûre, je la prélève et je l'ouvre. Je place ensuite les semences dans un contenant non couvert ou elles perdront leur surplus d'humidité. Après une semaine, on peut distinguer les bonnes graines de celles qui ont avorté. Les premières sont bien rondes et dorées tandis que les secondes sont plates et noirâtres. J'effectue alors un tri, cette opération peut sembler inutile, mais elle facilite grandement le travail au moment de l'ensemencement.

Je préfère semer directement à l'extérieur et j'enfouis les semences à environ 1,5 à 2 cm. Elles prendront une quinzaine de jours pour germer. Il faut s'assurer que les plantules ne manquent pas d'eau car la sécheresse les détruits rapidement.

L'automne venu, si l'ensemencement a été fait assez tôt, quelques-uns uns de vos croisements peuvent émettre une hampe florale. Ce qui arrive rarement à cause de notre trop courte saison de végétation. Il faut savoir que la fleur n'est pas vraiment représentative de la qualité du cultivar. Pour cette raison, je préfère couper la tige et laisser les jeunes cormus grossir davantage.

Les jeunes glaïeuls atteignent environ 3 cm de diamètre la première année. Les plus gros fleuriront l'année suivante. A ce stade-ci il ne faut pas recueillir les bulbilles car la qualité de chacune de ces nouvelles variétés n'est pas encore établie. La deuxième année les soins à apporter aux cormus sont les mêmes que pour les autres glaïeuls. Il faut encore une fois bien étiquetter pour éviter les erreurs. Tout au long des mois d'août et septembre vous irez de surprise en surprise chaque fois qu'une nouvelle hampe florale arrivera à maturité. La beauté et la diversité des fleurs étonnent toujours. Il est temps de commencer à éliminer les cultivars qui ne présentent pas les qualités recherchées. Il ne faut pas se laisser guider par les sentiments, la majorité des nouvelles variétés sont des répétitions des cultivars existants ou ils présentent une qualité qui laisse à désirer. Quoiqu'il en soit, il en reste toujours 4 ou 5 qui plaisent plus particulièrement. Il faudra leur donner une nouvelle identité, cette fois en ajoutant un chiffre à la fin du numéro du croisement. Pour le croisement 96-1, la première variété sélectionnée devient 96-1-1 et ainsi de suite pour chacun des cultivars sélectionnés. Il est important d'élaborer une description de vos croisements. Après cette deuxième année de croissance, on peut commencer à garder les bulbilles qui se font plus nombreux.

La troisième année est déterminante puisque la plupart des connus originaux ont atteint leur maturité, quelques glaïeuls de la deuxième année fleuriront également. Chaque hybrideur sélectionne ses variétés selon ses propres critères, mais il ne faut pas oublier que chaque nouveau cultivar se doit d'être supérieur aux anciens en couleur et en qualité.

Tout ceci peut sembler long et difficile mais la nature a évolué lentement et nous devons nous aussi respecter cette règle. Une autre chose est certaine, les hybrideurs ne s'enrichissent pas avec leurs créations. Certains réussissent à bien en vivre à force de travail, mais croyez-moi, rien ne vaut la fierté que l'on a de présenter une nouvelle création bien à soi lors des expositions.