Dans notre bulletin précédent, nous vous avions raconté comment, à partir de découvertes réalisées au début du 18e siècle, les hybrideurs de l'époque réussirent à obtenir les premiers croisements de l'histoire du glaïeul.
Nous avons fait connaître les Van der stel, les Linnaeus, les Burman, les Smith et les Murray. Nous vous avons également raconté les succès et les déboires de William Hébert et quel rôle important eurent des pays comme la Hollande et l'Angleterre.
Voyons maintenant comment évolua la culture du glaïeul à partir de ces premiers résultats.
Le Développement Européen
Suite aux succès réalisés en Angleterre et en Hollande, la France s'intéressa aussi à l'hybridation du glaïeul. Entre 1877 et 1882, les Français connurent de bons résultats grâce à Victor Lemoine de Nance.
Inévitablement ses premiers croisements devinrent les glaïeuls (Nanciencis). Il obtint ses résultats grâce au glaïeul (Gandavenis). Cette variété avait été réalisée en Belgique par un certain H.S. Bedinghaus. Anciennement au service du Duc de Belgique. Bedinghaus quitta un jour son emploi de jardinier en chef pour installer son domicile près de Ghent.
Commença alors une série de croisements qui l'amenèrent au glaïeul (Gandavenis). Dans ses notes de travail il indiquait que ce croisement avait été réalisé grâce à l'utilisation du glaïeul (Cardinalis).
Après avoir pris connaissance de ses notes, les hybrideurs de l'époque soutinrent que ni la couleur ni le placement des fleurons ne pouvait avoir eu comme parent le glaïeul (Cardinalis), ils étaient plutôt d'avis que les parents étaient soit glaïeul (Natalensis) soit le glaïeul (Oppositiflorus). A l'image des glaïeuls (Nanus) et (Gandavensis), qui était un glaïeul à larges fleurs, grand et ayant beaucoup de fleurons. En Belgique sa floraison survenait en septembre.
La principale différence entre les glaïeuls (Gandavensis) de (Dedinshaus) et les glaïeuls (Nanciensis) de Lemoine était au niveau des couleurs. Ceux de Lemoine avaient une gamme de couleur beaucoup plus étendue.
Durant sa période d'hybridation, Lemoine introduisit une centaine de variations distinctes de ses glaïeuls (Nanciensis). Il obtint le lilas, le pourpre, la lavande, le rouge foncé, le marron, le brun foncé, et le vert foncé. Les premières couleurs furent obtenues en utilisant comme parent le glaïeul (Purpurea-Auratus). Pour les rouges, il utilisa le glaïeul (Cruentis) et pour les bruns et les verts il utilisa le glaïeul (Dracocephalus). C'est ce glaïeul d'ailleurs qui donna les premiers (Fumés) aux teintes brunes et vertes.
Parmi les plus beaux glaïeuls (Dracocephalus) l'on se doit de mentionner le glaïeul (Pelletier d'Oisy) qui fut utilisé aussi récemment qu'en 1946 en Hollande pour relancer l'industrie du glaïeul d'après-guerre. Des (Primulimus) aux teintes prune et verte furent obtenus grâce au (Pelletier d'Oisy).
Pendant ce temps, l'Allemagne, par l'entreprise de (Max Leichtlin), s'intéressa aux travaux de Lemoine. Vers 1877, Max fut particulièrement attiré par un glaïeul qui était le premier vrai croisement bleu-violet a être réalisé. Ce glaïeul fut nommé (Baron J. Huot). Leichtlin utilisa celui-ci ainsi que d'autres glaïeuls similaires et commença ainsi une nouvelle lignée de glaïeuls. Et tout comme Lemoine et ses (Nanciensis), de leur d'origine Nance, les glaïeuls de Leichtlin devinrent de (Leichtlinii).
Utilisant les hybrides de Lemoine et les plus beaux de William Hébert, James Kelway effectua des croisements entre les variétés de Lemoine, Herbert et ceux de l'hybrideur français Souchet. La première génération fut appelée glaïeuls (Kelwayii). Ils étaient plus ou moins une sorte de mélange s'apparentant aux glaïeuls utilisés dans les travaux de Kelwauy. C'était des glaïeuls à larges fleurs toutes grandes ouvertes et mesurant de 4 ¨à 5 ¨ sur leur plus grande largeur. Les fleurons étaient largement espacés et leurs tiges étaient d'une longueur fort respectable.
Lors d'une expédition botanique aux environs de 1890, un glaïeul à floraison estivale fut découvert et ramené aux jardins Kew. Cette espèce fut mise à l'essai et en 1902, elle fut commercialisée sous l'appellation (Primulimus).
Le capitaine Collingwood-Ingram déclara à l`époque que ce glaïeul (Primulinus) n'était nul autre que le (Nebulicola) de la région de Victoria Falls. La principale caractéristique de cette espèce : un fleuron de forme triangulaire attaché à la tige pliable. La couleur variait du jaune au jaune orangé avec des stries orangées et nébuleuse d'où son nom (Nebulicola). Il importe peu de savoir s'il s'agit du (Primulinus) ou du (Nebulicola) ; reste le fait que ce fut cette espèce que James Kelway introduisit dans son programme d'hybridation.
Les croisements qu'il effectua avec le (Primulinus) et les (Kelwayii) et les (Whatever) donnèrent une nouvelle variété à fleur en forme triangulaire montée sur une fine tige. Cette variété fut commercialisée sous le nom de (Hydride de langprin). Elle avait de plusieurs façons amélioré les hybride français en élargissant leurs gammes de couleurs existantes. Les hybrides de Langprin possédaient en plus les rouges pâles, les oranges les jaunes saumon, les crème et les ivoire, Sur la plupart des fleurs on retrouvait des gorges plus pâles que la couleur principale ainsi que des points de couleurs différentes sur les trois pétales inférieurs. Il est permis de croire que les hybrides de Langprin furent les premiers hybrides de (Primulinus).
Pendant que James Kelway effectuait ses recherches, une autre hybrideur du nom de Frank Unwin) travaillait également sur des hybrides de (Primulinus) Contrairement à Kelway qui utilisait le pollen de (Primulinus) et de (Nebulicola). Unwin lui, utilisait et du pollen et des graines. Par cette méthode, il créa un glaïeul (Primulinus) de style beaucoup plus délicat avec des fleurs plus petites de forme constante, à floraison hâtive. Et caractéristique importante : ils étaient génétiquement moins compliqués, se propageaient bien et restaient en bonne santé.
C'est un fait historique que les glaïeuls de Langprim furent déclassés en popularité et les (prims) classiques de Unwin devinrent officiellement les hybrides (Primulinus) et furent reconnus comme tel par la (Royal Horticultural Society). Malheureusement, même si ce glaïeul à floraison estivale devint très populaire en Grande-Bretagne, sa percée en Australie et Nouvelle-Zélande, ainsi qu'aux États-Unis et au Canada fut plus que timide et de nos jours, seuls les Britaniques ont une classe spéciale pour les (Primulinus) lors d'expositions nationales.
A la même époque en Allemagne, la famille Pfitzer de Stuttgart s'impliqua intensivement dans l'amélioration du glaïeul à floraison estivale. Tout en utilisant des cultivars existants, ils s'efforcèrent de produire un glaïeul à larges fleurs, possédant une gamme de couleurs la plus étendue possible. De par leur travail sélectif, environ 10 cultivars furent introduits commercialement et exportés à travers le monde. Parmi ces cultivars mentionnons (Snow Princess), (Commander Kohl), (J.S. Bach) et (Rosemary Pfitzer). Ces glaïeuls facilement propageables et en excellente santé étaient les favoris de l'époque.
Ces même cultivars furent utilisés intensivement dans divers programmes d'hybridation dans des pays comme la Hollande, la Grande-Bretagne, et Etats-Unis et le Canada. Le Glaïeul (Snow Princess) est toujours disponible après 60 ans d'existence. Son plus proche rival est le glaïeul (Friendship) de Carl Fisher.
Vers l'an 1910, provenant de divers pays, des milliers de cultivars à floraison estivale étaient déjà disponibles commercialement.
Dans les années qui suivirent très peu de recherches impliquant de nouvelles espèces furent effectuées. Les hybrideurs se concentraient surtout vers la production de glaïeuls plus gros et plus performants. D'autres cherchèrent à produire de nouveaux types de glaïeuls à partir de cultivars déjà existants. Certains de ces résultats furent excellents et de nouvelles variétés furent ainsi créées.
En Europe, l'hybride de (Primulinus) continua à être développé et amélioré. Par contre, l'Amérique du Nord ne semblait pas l'apprécier davantage même si certains travaux avaient été effectués aux Etats-Unis et au Canada, la faveur des hybrideurs allait tout de même vers la recherche du glaïeul à grandes fleurs de tige (grandiflora).
Les années entre 1930 et 1939 connurent une rapide progression concernant la forme générale des glaïeuls ainsi que la grosseur de leurs fleurs. Ce fut durant cette période que le professeur Palmer, hybrideur canadien, créa le célèbre glaïeul (Picardy). Ce cultivar fut proclamé glaïeul du siècle et son pollen devint en grande demande pour différents programmes d'hybridation à travers le monde.
Les années 1940-1947 furent plutôt calmes tant au niveau de la culture que l'hybridation. Les énergies étaient surtout orientées vers la production de nourriture pour subvenir aux pays en guerre.
Heureusement pour les Européens, d'excellents glaïeuls étaient disponibles en Australie. En Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et au Canada. Utilisant des cultivars de glaïeuls à petites fleurs provenant surtout des États-Unis et du Canada, les Hollandais produirent une 4e série de croisements appelés glaïeuls (Papillon). Parmi ces cultivars mentionnons particulièrement les (Brightsides) et (Roi Albert). Ces deux variétés furent croisées par l'hybrideur canadien Leonard Butt de l'Ontario et une mutation survenue parmi certaines variétés obtenues de ces croisements produisit une fleur aux rebords très ondulés. Parmi les plus beaux, trois furent sélectionnés ; ce furent les glaïeuls (Bo-Peep). (Crinklette) et (Emily's Birthday). Des variétés provenant des semences de ces trois cultivars furent croisées entre elles et donnèrent des glaïeuls aux rebords excessivement ondulés. Ainsi furent créés les premiers glaïeuls miniatures ondulés qui devinrent rapidement populaires auprès de fleuristes.
Les années 1950–1960 furent la décennie des hybrideurs qui se concentrèrent à améliorer les différents types de glaïeuls existants.
Un système de classification et de pointage pour fin d'exposition fut établi pour les glaïeuls (Grandiflorus). Le type de glaïeul d'exposition fut défini avec beaucoup de détails et les hybrideurs purent enfin se référer à un modèle (idéal).
Les biologistes furent également sollicités pour trouver des techniques de culture et développer des produits chimiques pouvant aider à obtenir de nouveaux standards de perfection.